20 juin 2005

confit de dévotion (recette matinale)

Travaux en façade de l’immeuble d’en face, échafaudage écrasé de chaleur au matin : au milieu de maçons confirmés - leur casque culmine à un mètre cinquante au dessus des pieds - voilà que mince mirage brun de longues jambes, peintre en bâtiment insolemment débutant, debout torse nu en équilibre sur la plus haute planche. Bouteille d’eau à la main et rouleau dans l'autre, déhanchement habitué de sa pause de dix heures, et comme on a tout laissé ouvert pour la nuit, de son échafaudage par ma fenêtre il me voit débarquer en slip dans le salon, zombie de mon réveil tardif. Il se marre, je me frotte les paupières en le regardant, le temps de chasser le sommeil, ne pas perdre une miette de cette apparition matutinale, faire profiter mes yeux de ce petit déjeuner improvisé, le seul que je prendrais aujourd’hui vu qu’on a plus rien à bouffer. Des réveils comme ça, et dans le bus, mal remis encore, je relis la note 55 du Pétrole de Pasolini, c’est pages deux cent dix-neuf à deux cent quarante-six, bref évangile de la fellation, manuel (comme) écrit en rêve de serial sucker. Rempli de dévotion tellement qu’à Opéra j’en oublie de descendre, je rattrape le 20 par la place de la Fontaine Gaillon, il fait trop chaud pour continuer à avancer à genoux, en passant rue du Quatre Septembre sortant d’un bar-restaurant une odeur de ratatouille.