07 juin 2005

grand hôtel des palmes

Nuits courtes, pénurie de chaussettes, bruit des poubelles dans la rue le matin, toute-puissance des chaînes hertziennes. Que votre conviction soit faite - car j’en suis la preuve vivante un peu plus chaque jour - la médecine française collabore avec Patrick Le Lay et toutes les directions des programmes : la médecine française, la télé n’a jamais été autant allumée à la maison que depuis que mes journées s’écoulent en vain dans ses salles d’attente. Quand le noir se fait, zapping général. Paul Ricoeur discute mémoire et identité, on appuie juste sur un bouton de la télécommande et c’est Robocop qui enlève son casque, alors on réappuie sur le bouton - Ricoeur - et on réappuie encore – Robocop -, entre ces deux-là le match est serré, le résultat indécidable, la main se crispe sur la télécommande, on appuie et réappuie jusqu’à ce que la télécommande n’ait presque plus de piles, jusqu’à ce que les deux combattants meurent d’épuisement et que les programmes ne prennent fin simultanément. Et C. me dit tu trouves pas qu’elle nous regarde bizarre la télé ? Robocop est mort, Ricoeur aussi, mais la télécommande, elle, bouge encore : alors s’élève depuis Coney Island un vieux chant sicilen échappé du Lucky Luciano de Francesco Rosi sur Arte, et dans la bouche d’un petit chef mafieux ce slogan douteux qui illumine la nuit : « Moins de discours et Plus de spaghetti ». La télé on ne l’éteint que quand je m’écroule presque, je suis redevenu celui qui a peur du noir et il faut presque encore me lire Babar pour que je finisse par m’endormir. Alors mon Babar de ce soir, les pages de Mandiargues sur Valery Larbaud et au détour d’une comparaison de leurs manières d’être, Raymond Roussel en prend pour son grade. A ce moment là, ce qui me revient, Roussel est mort à Palerme chambre 224 du Grand Hôtel des Palmes, le Grand Hôtel des Palmes et c’est le zapping de ce soir qui résonne encore : Lucky Luciano fit là-bas le Yalta de l’héroïne, en 57, son Yalta rien qu'à lui. C’est aussi en 1957 qu’était paru ce numéro d’hommage à Larbaud publié par la NRF, et dont j’ai trouvé une réédition l’autre jour chez ma mère, après un dîner de macarons basques trempés dans l’hydromel – « mis en bouteille par l’Abeille de l’Oise », l’hydromel, c’est écrit sur l’étiquette - .