10 juin 2005

cinq ou six fois Béatrice Dalle

C. est un peu somnambule, il se réveille brusquement et déboule endormi dans le salon, panique, "qu'est ce qui se basse bébé ?" il croit que je pleure. Mais ce ne sont pas mes sanglots qu'il a entendu à travers le mur, c'est Béatrice Dalle assise au bord d'une tombe, à la télé, Béatrice Dalle dans ce film Dix-sept fois Cécile Cassard, une fée de plaies et bosses, la blessure qui s'ouvre et l'aiguille qui recoud, Dalle qui déploie en 3D cette figure de femme en deuil, de visiteuse de cimetière et d'accoucheuse du jour, Dalle en reine de la nuit d'un éphémère harem portatif d'hommes-enfants, Dalle en maître d'équipage d'une turbulente traversée du deuil, en chef de chantier d'un lent arrachement au pays des ombres, Dalle accompagnée de garçons-chiots. Mais quand les corps échappent à l'eau sombre, les voix passent à la lumière, le fou-rire guette, l'éclaircie perce enfin et le cinéma naît deux ou trois fois par miracle à l'arrière d'une voiture, au milieu d'une grasse matinée, ou à l'occasion d'une partie de campagne, d'un déjeuner sur l'herbe, sur une barbe naissante. Le film se termine, je rejoins C. rendormi, demain il faudrait que j'aille aux objets trouvés, c'est un endroit trop gris et je repousse chaque jour.