27 mai 2005

à l'étouffée (My generation)

Chaleur de plomb et mouches partout, un temps à émeutes noires et blanches, ils ont publié les lettres d'Aldo Moro en français, les bus sont des autocuiseurs, les arbres crèvent, les poissons dans la Seine pareil, on ne trouve plus que du chocolat fondu : j'ai les semelles qui collent, il fait si chaud qu'en mettant une jambe devant l'autre on en voit presque le temps qui passe, si chaud qu'on en oublie de jouer au loto. Le loto, je pense à toutes ces îles qui n'en sont plus, comment s'habituer à tous ces tunnels tous ces ponts, je me dis tu es vieux, je me dis : ma génération. Ma génération prenait encore le ferry pour aller à Londres mais ma génération prenait des cuites à la bière et jouait encore aux cartes en attendant le train le bateau, et ma génération c'est vrai avait écouté les Psychedelic Furs et les Comateens, ma génération n'était pas altermondialiste ma génération pourtant avait vu la police dans la rue à cheval, ma génération se foutait bien du commerce équitable elle faisait des photos noir et blanc et rêvait devant de vieux rolleiflex , ma génération ivre morte avait appris la fellation de la bouche d'un barman florentin, ma génération avait vu les fans des Cramps casser des fauteuils à l'Eldorado, ma génération disait qu'elle vénérait 77 mais ne pensait qu'à ses propres vacances romaines. Il fait si chaud que je me dis t'es un vieux con toi et ta génération par cette chaleur encore quelques jours et vous êtes cuits on n'en parle plus. Je me dis ne respire plus, n'ouvre pas la bouche, tais-toi, économise ton souffle. Il fait si chaud je voudrais me lever pour boire mais j'ai le skaï du canapé scotché au cul.