journées mondiales de ma jeunesse
Depuis que C. est parti, j’ai vraiment mon âge, je n’ai plus de corps, et tous ces avions qui s’écrasent chaque jour s’écrasent sur ma jeunesse, mon enfance, les croquettes de riz de ma grand-mère, les vieux Hergé dans les placards, la dernière fois que je vois mon grand père par le pare-brise arrière sur une plage de Normandie, toutes les toilettes où je me suis masturbé en grandissant, les filles à qui je faisais mal en bandant mou … On ne rigole plus, tout ce qui était parti l’est maintenant pour de vrai, mes anciens amants, mes vivants et mes morts. Je n’ai plus de forme, je suis loin, il y a quelqu’un de mon âge en face de moi dans la glace : je le regarde, je n’arrive pas à avoir envie d’apprendre à le reconnaître. Doumé m’a enlevé mes comédons gratis et filé des crèmes pour la peau, je lui paie un coca, je comprends que ça ne me rendra rien. Ce soir un film de Catherine Breillat à la télé et je suis cette anglaise ballottée sur un bateau, son regard sur un corps encore adolescent, sa préférence le temps d’une traversée pour la bouche et les fesses d’un garçon plutôt que pour la laideur des hommes, les fesses de ce jeune type qui la pénètre en jouissant comme pour la première fois. Tous les jours cette semaine, ils font des messes en Martinique et à Notre Dame, mais qui dira cette messe pour tout ce qui a disparu de ma mémoire en un été, ce crash soudain, moi qui n’ai pas pris l’avion, moi qui, exactement comme mon père, en ai toujours eu un peu peur. Il est trois heures du matin, ce matin à Cologne le pape bénissait tous ces garçons en short, ce soir sur la 5 ils rediffusent : Esteban, Zia, Tao, les Cités d’Or.
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