12 août 2005

pharmaciens de l'Eden

Il n’y a plus grande différence entre le sommeil et la veille, la télé reste allumée quand je m’endors sur le canapé, je me réveille à l’aube devant des émissions que je ne comprends pas, une jeep dans la savane au matin, ce reportage sur les animaux sauvages qu’on regarde à la lunette dans la lumière aveuglante des plateaux de Namibie, ou l’autre jour ces dessins animés pour enfants de trois ans, je ne sais plus quel âge j’ai, je me lève en cherchant mon cartable, prêt à partir à l’école, lourd encore d’une cuite qui passe mal, mais je ne veux plus de mes corn-flakes, jamais. Ces cuites avec Doumé qui voudrait bien me retirer les comédons, je lui ai montré mon kyste, sur l’épaule, il dit mais c'est un kyste puant, ou ces blagues goys chez Denyse quand elle a bu trop de champagne, ces semaines pâteuses, chaque soir tenaillé par ce besoin de remèdes violents et surs dont je n’ai pas l’ordonnance, boire et boire encore, espérer oublier contre des corps nouveaux, ces morceaux entrevus d’une pharmacie de l’Eden dont je n’ai pas la clef : ce garçon au long torse qui vient chez moi, il est déjà dans mes draps mais il dit non juste dormir - je suis son grand-père ou presque, je soulève juste les draps quand il dort, le voir seulement, regarder encore : être Dalida juste un instant - je me retourne et il me tambourine dans le dos avec ses poings, en dormant, ou bien cet autre qui m’embrasse étrangement l'extrémité du gland avant d’avaler mon sexe dans sa bouche : deux fois il répète cet étrange préliminaire, ce baiser du bout du gland, et je n’ai plus du tout envie de dormir, j’en oublie ma nuit blanche, celles des jours d’avant, ces heures passées à sortir, à tuer le vertige, à conjurer le sort, au fond de mon verre, dans nos doubles bières.