23 mai 2005

hippo blues

“All over Battersea, Some hope and some despair”

Journée imbibée de la bière de la veille à danser toute la journée, à chanter à tue-tête heureux comme un crétin en passant l'aspirateur et en mangeant des carottes, et ce soir, sans prévenir, internet souffle le froid en seulement quelques mots gelés, jetés de loin en pauvres rafales fatiguées, une gifle endormie indifférente et molle, glacée. Je vois pas bien ce qui peut me réchauffer là tout de suite : j’ai essayé toute la soirée de faire tourner sur iTunes une playlist de souvenirs encore bien crus, comme pour voir si le mix donne – c’est ça vas y fais-toi mal- complaintes chaudes, romances à deux balles et bouts de viande à l’étal.

Et ce soir le mix, impuissant à panser quoique ce soit, appelant encore et encore le refuge d’une épaule, ce soir le mix donne quelque chose comme : automne romain de rescapés des seventies / jérémiades de choeurs dégoulinants / « lalalala » comme sortis d’un vieux 45 tours des Jam / réverb de Gibson et voix tueuse d’une amérique verte et paumée / riffs qui tournent ronds et fiers plaqués sur une chanson de Joe Dassin / fish and chips dans un mouchoir de soie / les poupées d’Hans Bellmer qui se mettent à chanter/ Nina Simone revenue d’outre-tombe jusque dans la chambre d’un petit garçon terrorisé.

Je le remets dans l’ordre chronologique des sorties et je le mets bien en vue :

1973 Lucio Battisti : “La collina dei ciliegi”
1976 Lucio Battisti : “Dove arriva quel cespuglio”
1991 Bill Pritchard : “Anglesey”
1992 Morrissey : “You’re the one for me, fatty”
1994 Erasure : “I love Saturday”
1994 Erasure : “Blues Away”
1995 Aimée Mann : “No choice in the matter”
1997 Morrissey : “Roy’s keen”
1997 Miossec : “Salut les amoureux”
1998 David Gray : “Sail away”
2004 Antony and the Johnsons : “The lake”
2005 Antony and the Johnsons : “Hope there’s someone”
(live) Antony and the Johnsons : “Be my husband”
2004 Dresden Dolls : “Good day”
(live) Dresden Dolls : “Coin Operated Boy”

( Je pense à Tondelli qui repose dans un cimetière à Canolo. Tondelli, s’il avait pu, aurait inventé le blog comme personne, il est mort il y a quatorze ans. Tondelli avait réinventé la play-list, ces livres sont une play-list qui traverse toute les années 80 comme un filet tendu d’une rive à l’autre de nous. « L’abandon » et « Un week-end postmoderne », ses deux derniers livres, ceux qui nous ressemblent le plus à tous – prince du shaker, il avait tout compris de nos morceaux de vie en kaléidoscopes déboussolés - n’ont toujours pas été traduits ici. Ce jeudi à Florence auront lieu des rencontres « Tondelli et la musique », je pourrais vraiment pas y aller, alors si jamais vous y avez été je vous détesterai pas si vous me racontez.)

(Du coup je pense aussi à mes morts à moi et à l’hippopotame du zoo de Barcelone, celui qui avait froid et à qui on avait eu envie L. et moi de laisser une écharpe.)