01 février 2009

Révolution (Figatelles arrangées)

C'est panne et révolution dans les services publics, et c'est comme si c'était pour fêter ça qu'on va dîner dans ce resto de couscous à la pression où ils font très bien le couscous mais où ils ont jamais appris à servir la pression, que le premier belge qui passe en voudrait pas pour cinq cents, voire même leur jetterait quasi la pinte à la figure, en fait. A l'apéro, S. me sort de sa sacoche des trucs de son boulot, il me montre des maquettes publicitaires pour des paquets de viande Charral, d'un air dégoûté, sous un faux lustre en cristal. Autour il y a des bears assis sous les boiseries et puis des filles à monticules capillaires, aussi. C'est au dessus d'une cave du dixième, et on y descend parce qu'on est là pour le concert de T., pas pour la viande, et pour les filles ben non plus, depuis quand. Il chante pied de micro en avant ses belles chansons d'étoiles mortes et de cannibales en appartement, le clavier assis à côté de lui sous un tableau de Betty Boop Superstar accroché tellement de travers qu'on y croirait punk grave, avec les lettres qui clignotent plus qu'à moitié, et nous en bas on applaudit, pendant qu'à l'étage près du lustre les patrons du rade boulottent leur méchoui pénards, sans harissa on dirait mais avec TF1 bien sûr, parce que c'est la grève et que TF1 a du resté allumé depuis au moins sous Juppé. Après le concert c'est la quête dans un bonnet, à table T. est accompagné d'une fille que je sais pas c'est qui, alors après qu'elle soit partie, je demande à T. c'est qui cette fille au fait, c'est ton mec ou quoi, mais il me répond que non, c'est sa manageuse. Dommage. Du coup on continue à boire leurs bières sans col pas même mousseuses, et quand c'est l'heure de partir il y en a encore qui veulent aller se faire ailleurs quelques rhums arrangés, mais moi je suis déjà bien assez arrangé comme çà et je veux rentrer, le froid dans la rue de Hauteville me fait monter les larmes, S. croit que je pleure et voudrait me consoler. Une fois chez moi c'est reparti pour une nuit de palpitations, de tête lourde et d'insomnie, je ne dors pas et je peux quand même pas reprendre encore du xanax rose, et puis ce dont j'aurais eu besoin pour pouvoir enfin sombrer, c'est ne plus avoir peur de refaire le cauchemar de l'autre nuit - celui dans lequel mon oncle mort bouchait les chiottes de sa diarrhée, une diarrhée monumentale et ça m'avait terrorisé -, ou bien de fleurs et de baisers.

Il faut que je téléphone à Caroline : son fils - qui est en CM1 ou est ce que CM2 - est déjà tellement beau, qu'il faut que je lui dise, à cette vieille copine pas revue depuis tant - jusqu'à l'autre soir où on a dîné de figatelles- que quand il sera en classe de seconde, ou de première peut-être, il faudra absolument que j'arrête d'aller dîner chez elle, qu'il sera devenu légal, et un peu trop comestible, surtout.

Que Dieu nous préserve de la tentation, des rhums trop arrangés, et des cauchemars où on voit des morts, Que Dieu continue de nous donner chaque jour des figatelles et des lentilles, Amen.