24 juillet 2011

Pruniers et cariocas (inch'Allah)

J’en ai plein l’estomac de ce juillet pluvieux, ma mère me téléphone elle est à la campagne en train de se faire chier, elle me dit personne ne parle ici alors bon qu'est ce que tu veux moi je m'occupe je ramasse des prunes, et moi je l’imagine en train de secouer les pruniers. Je n’ose pas lui dire qu’elle a de la chance, qu’ici il y a même pas de pruniers. Juillet me fait chier, je préférais juin, la chaleur, les chemises trempées, même ma thyroïde épuisée.

Je me souviens de juin, l’après midi de la gay pride, le char des Poppin’ Gays, le sound-system parfait, l’instant idéal, le gouine à cheveux et le bear indé ont des ressorts aux mollets et foutent le feu au char et au cortège exactement comme en short deux grosses lesbiennes punk joueraient au beach-volley de la vodka plein le nez, et moi j’aimerais bien ne pas avoir une entorse à la place des chevilles, et pas non plus du flan vanille là où se trouvait mon ménisque droit.

Mais bon c’est juillet, c’est dimanche et comme d’habitude je ne descends plus de chez moi que pour aller prendre mon café en bas au milieu des pépés, des vieilles iraniennes en bagouzes, des libanaises en colliers. Quand je remonte, Facebook est aussi silencieux qu’un désert où se noyer, la mer est encore loin et j’ai jamais été très doué en société, à la plage au moins on peut se baigner.

Vendredi, au D., il y avait trois brésiliens qui bloquaient l’entrée, ils n’en finissaient pas de papoter et s’entraînaient hardiment aux moulinets bras et poignets, il y avait aussi un crétin qui cherchait partout Quénette, mais il est où Quénette, l'est parti où Quénette, et c'est quand qu'y revient Quénette, mais bon dieu, dites-le-lui, à la fin, qu’il reviendra plus Quénette, et qu’on en finisse une bonne fois pour toutes. J’avais des envies d’île norvégienne entre l’autre qui cherchait Quénette et les trois cariocas qui se la jouaient on est des mûlatresses bien roulées et tant pis si t’as trois bières à la main et que tu veux passer et pis d’abord Quénette et ben c’est nous qui l’avons mangé.

P. aussi a téléphoné, il tourne pour son programme télé, cette fois c’est une histoire de cirque, lui d’habitude les clowns il est terrorisé, je lui dis tu te rends compte c’est des clowns que t’es en train de filmer mais continue comme ça, c’est sûr tu vas y arriver.

J’ai recommencé à travailler, il y a trois mois que je suis burelier, Catherine et Corinne qui font même plus semblant de travailler à côté, et aux toilettes merci de refermer la fenêtre le soir à cause des pigeons sur une pancarte en papier, et depuis mon ventre me fait mal, si mal, tout le temps, j’ai peur, l’estomac, le colon, les examens à la rentrée, mes côtes brisées, parfois j’en ris, parfois j’en arrive même plus à me masturber.

Chaque soir je prie pour être débarrassé de cette odeur tenace de vieille crevette à l’impériale, cette odeur que j’ai dans le nez et dans la bouche et que je traîne sur moi partout, de restau chinois mal digéré, moi qui n’y ai plus mangé depuis trois mois, au chinois, et qui me suit du bureau au bar et du bar au bureau et même jusque chez moi.

Mais même si ici j’ai pas de pruniers à secouer, dans trois semaines je serai chez Terezdina, on ira se baigner à Loto ou à Delfini, se laver dans l’Egée, et puis la douleur, l’odeur et la peur... le meltemi balaiera tout ça, inch’Allah.